Le véritable changement d’un système d’État à un autre ne se résume jamais au remplacement d’Ali par Omar. Croire qu’un simple transfert de pouvoir, d’un homme à un autre suffirait à transformer la réalité politique d’un pays est une illusion dangereuse. Lorsqu’il s’agit d’un système tyrannique enraciné depuis des décennies, comme celui de Djibouti, il ne peut y avoir de transition authentique sans rupture radicale, sans table rase de ce qui a existé auparavant.
La longévité d’un tel régime corrompt tout. Elle pourrit l’administration, la détourne de sa mission première et la transforme en une chemise taillée sur mesure pour le tyran. La gouvernance, censée être au service du peuple, est remplacée par la corruption, le clientélisme, l’intimidation et la spoliation. L’État devient une machine de prédation où chaque rouage est ajusté non pour servir la nation, mais pour prolonger la survie du pouvoir.
Des générations entières d’hommes et de femmes ont été mobilisées, consciemment ou malgré elles, pour maintenir ce système à bout de bras. Mais ces générations, loin de constituer une relève, sont elles-mêmes infectées. Elles ont été formées dans la compromission, habituées à la peur, nourries par les miettes du régime. Elles ne peuvent incarner l’avenir, car elles portent en elles les stigmates du passé.
C’est là que réside toute la difficulté de l’après. Comment redresser un pays avec ceux qui ont collaboré, profité, et parfois prospéré grâce au système honni ? Comment bâtir une nouvelle maison avec des briques rongées par la moisissure ? Dans l’histoire récente, cette équation insoluble a souvent conduit à la guerre civile : la Somalie, la Libye, la Syrie, le Yémen, et tant d’autres nations africaines en portent les cicatrices.
Djibouti doit impérativement trouver son propre chemin de salut dans l’après-IOG. Et ce chemin ne peut être celui d’un simple changement de visage. Le seul horizon possible est celui d’une révolution culturelle. Non pas une révolution de slogans ou de façade, mais une transformation profonde des mentalités, des modes de pensée et de fonctionnement. Il faut réinventer notre rapport au clan, à la communauté, à la nation. Il faut briser les réflexes hérités de la peur et du clientélisme, pour reconstruire une citoyenneté libre, digne et consciente.
Car sans révolution culturelle, tout changement politique restera une illusion. Et Djibouti, au lieu de renaître, ne fera que répéter le cycle des tyrannies.
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